Imbécile ! C’était le premier mot qui était né dans l’esprit de Kirie pour qualifier l’homme qu’elle escortait.
Ce que les anciens auraient appelé un jeune sot qui ne comprenait, ni les enjeux, ni les objectifs et encore moins les dangers de cette mission. C’était pourtant simple de porter un message.
La mission n’ayant rien d’officielle, le petit nouveau substitut à la justice s’était senti pousser des ailes comme s’il était un agent secret sorti d’une histoire pour ados. Son histoire de l’agent mystérieux donnait des sueurs froides à Kirie qui, elle, par son périple de maintenant près d’un an, avait déjà entendu parler de la dirigeante de Château Zenthil. La dame Nüremdor n’était semble-t-il, à ce que l’on dit, pas très réceptive à ce genre de plaisanteries douteuses et ces fantaisies risquaient de les mettre en danger tous les deux. Lors du départ du garde, elle avait tenté de raisonner le jeune homme qui lui avait rétorqué, avec un air fier, qu’il avait été formé et qu’il savait ce qu’il faisait. Voulait-il gonfler ses muscles très modestes devant la demoiselle qu’on avait choisie pour le protéger ? C’était assez probable. Après tout, il l’avait prise à la légère depuis qu’il l’avait rencontré et cherchait sans doute à établir sa position de mâle dominant. Vu la comédie (dramatique) dans laquelle il s’était engagé l’image du chevalier blanc protégeant la princesse avait dû naitre dans son tableau surréaliste. Kirie était sur le point d’exploser. Elle n’avait accepté cette requête que pour rendre service à son père et elle le regrettait déjà. Elle n’en était pas à son premier mauvais client, certes non, mais celui-ci, il fallait l’avouer, était un beau spécimen. Voyant le retour du garde, elle se recula en maugréant.
Il ne fallut pas longtemps avant que le nouvel arrivant prenne la parole.
- Dame Nüremdor souhaite connaitre votre nom et le but de votre venue avant de vous recevoir.
Kirie pria intérieurement pour que le jeune homme accède à la requête de la maitresse des lieux, vœux qui, elle le savait déjà, ne lui serait pas accordé. En effet, il ne se fit pas attendre d’avantage.
- Je regrette mais mon identité n’a pas d’importance et le sujet de ma venue ne concerne que Dame Nüremdor. Quel est le problème ? Est-elle occupée par quelques affaires de la cité ? Devrions-nous patienter dans ce cas ?
Il aggravait son cas. Il se sentait tellement au-dessus des gardes et de tout, qu’il ne s’était même pas aperçut qu’il ne parlait pas à la même personne que tout à l’heure. Ce n’était pas flagrant mais la voix du gardien du palais avait changé. Ce détail qui aurait pu sembler sans importance avait alerté Kirie. Pourquoi n’était-ce-pas le garde qui les avait accueilli qui poursuivait. Tout cela n’était pas clair. Il fallait redoubler de vigilance. Le garde repris la parole.
- Dame Nüremdor insiste et ce qu’elle fait ne regarde qu’elle.
La moue sur le visage du substitut à la justice ne plut guère à Kirie qui ne voyait pas l’entrevu s’arranger.
- J’ai mes raisons pour lui refuser ses demandes. Je le répète, si elle est occupée, nous pouvons attendre. Savez-vous ce qui la retient et dans combien de temps elle pourra nous recevoir?
Il y eu un silence de mort. Le genre de silence pesant que personne n’aime entendre. Le calme se prolongea jusqu’au bruit de chuintement, celle d’une arme qui s’extirpe de son fourreau. Kirie avait réagi au quart de tour lorsque le garde avait brandi son épée s’élançant vers son idiot de protégé qui avait hébété juste pu murmurer:
- Vous ne pouvez pas, vous n’avez pas le droit.
[Talent de sabreuse double niveau 1]
Les deux sabres de la jeune femme avait jaillit d’un seul mouvement alors que la lame du garde s’abattait sur le jeune homme. L’un dévia la trajectoire mortelle, et le manche de l’autre s’enfonça avec violence dans le plexus solaire du substitut, qui sous le choc perdit connaissance. Surpris, le garde se recula toujours en garde mais attentif à une potentielle explication sur les agissements de la jeune bretteuse qui avait mis hors course son propre allié. Elle s’empressa de rengainer et de prendre la parole pour tenter de clarifier la situation et surtout de l’apaiser.
- Nous ne souhaitons pas être hostile, ni provoquer d’incident diplomatique. Je me nome Kirie Onisuka, j’ai été engagé pour assurer la sécurité de cet imbécile. Nous portons un message à Dame Nüremdor concernant un homme recherché par la justice militaire de la Cité Lunaire pour haute trahison.
Voilà tout ce qu’elle savait. Elle espérait d’ailleurs que ces explications seraient suffisantes pour le garde du palais. La réponse ne se fit pas attendre. Le garde rangea son épée et parla à nouveau, d’une façon moins tendu, peut-être plus à l’aise de parler à une garde du corps mercenaire plutôt qu’à un jeune blanc bec qui le prenait de haut.
- Votre requête semble être sérieuse même si je doute que vous obteniez quelque chose. Comme vous devez le savoir les extraditions sont rares voire inexistante ici. La raison de votre visite m’incite tout de même à vous présenter à la dame. Suivez-moi !
Le garde pris le malheureux évanouis sur son épaule et fit signe à la combattante de le suivre. Sur la route, il s’adressa à nouveau à elle.
- Quand vous rencontrerez Dame Nüremdor, à moins qu’elle ne vous parle d’autre chose, cantonnez-vous au sujet de votre visite, elle n’aime guère les gens trop curieux. C’est mon conseil pour vous remercier de votre intervention. Les ordres sont les ordres et j’aurais exécuté ma tâche mais il était préférable d’éviter l’affrontement.
*Surtout pour nous !* pensa Kirie.Elle acquiesça de la tête signifiant qu’elle avait compris ses recommandations mais aussi qu’elle appréciait les remerciement qui sonnait comme une appréciation positive de son mouvement au sabre de tout à l’heure. De combattant à combattant, les compliments voilés tel que celui-là était toujours appréciable. Ils arrivèrent devant une grande porte et le garde les invita à entrer.
Au milieu de la pièce, un corps ensanglanté que Kirie ne put s’empêcher d’associer au premier garde, et plus loin, derrière un lourd bureau de métal, la maitresse des lieux qui s’était replongée dans sa lecture.